Depuis quelques semaines, je me suis mise à fond dans des recherches pour rédiger mon mémoire de fin d'étude. Comme j'ai choisi un sujet qui parle de gastronomie française, je lis des articles et des livres complètement abracadabrants sur l'histoire de la cuisine. Je ne pensais pas qu'on ait pu autant théoriser la chose ! Même si je comprend aisément comment de fins gastronomes, critiques culinaires de tous temps, éminents scientifiques ou grands écrivains aient pu écrire sur ce sujet qui me tient tant à coeur, ces lectures m'ont surprise, enchantée et même fait parfois rire aux éclats ! C'est que, pour citer un exemple - et pas des moindres - le Manuel des Amphitryons CONTENANT Un Traité de la Dissection des viandes à table, la Nomenclature des Menus les plus nouveaux pour chaque saison et des Éléments de politesse gourmande regorge de pépites ! Vous y trouverez toutes les méthodes pour disséquer "depuis l'alouette jusqu'à l'outarde" en passant par l'aloyau mais aussi des menus de dîners gargantuesques donnés par je ne sais quel prince, duc ou riche bourgeois à l'époque de ce bon vieux Alexandre-Balthazar-Laurent Grimod de La Reynière.
Mon coup de coeur va néanmoins à Horace Raisson et Auguste Romieu avec leur Code Gourmand. Les auteurs de cette petite merveille décrivent d'une manière charmante les saisons et leurs richesses gastronomiques et énumèrent les règles de bienséance pour être un véritable Amphitryon. Comme Horace et Auguste étaient des mecs cools, ils nous font également cadeau de leurs astuces pour avoir les meilleurs morceaux ! Je vous donne un petit exemple pour le plaisir : Chapitre VI, Art 3 : "Il ne faut qu'un peu de dextérité lorsqu'on découpe une grosse pièce, pour escamoter aux regards le meilleur morceau. Alors, en se servant le dernier, on se retrouve le mieux partagé" ! Malin ! Bref, si ça vous amuse, voici des liens pour télécharger le Code Gourmand et pour Le Manuel des Amphitryons c'est ici !.
Et puis parce que j'ai trouvé ça bien, voici un extrait sur le mois de Janvier.
"Des douze mois de l'année, le premier est le plus favorable à la gourmandise. C'est le moment des souhaits réciproques, des étrennes, des réconciliations, des repas de familles. Le jour des rois vient l'embellir de l'éclat de ses grands dîners. La fève adroitement placée fait échoir le sceptre au riche convive, qui se transforme bientôt en généreux amphitryon. La royauté sert de prétexte à de nouveaux festins, et pour que tout le monde participe aux plaisirs nutritifs de janvier, saint Charlemagne traite les écoliers, et saint Pierre ne se sert de ses clefs le jour de sa fête, que pour ouvrir les deux battants de la salle à manger, chez tous les gens vraiment dignes de l'avoir pour patron.
La prévoyante nature a voulu doter en enfant gâté ce mois chéri du gourmand; elle a rendu à la fois les trésors de la boucherie, les richesses des forêts, les mines fécondes des potagers, tributaires du cuisinier habile. C'est en janvier que le boeuf, le veau, le mouton, émigrés du Cotentin, de Pontoise, des Ardennes, arrivent à Paris, mortifiés et succulents. Le sanglier, le chevreuil, le lièvre, le faisan, le pluvier, le coq de bruyère, la sarcelle, la perdrix, l'oie sauvage, le canard, la bécasse, la bartavelle, la gelinotte, le guignard, le rouge-gorge, l'alouette, se donnent alors rendez-vous à la Vallée, et ne revoient le bois qu'en tournant de compagnie à la broche. Les choux-fleurs, les cardons, le cèleri, sont brillants de saveur et de suc, et la truffe est à l'apogée de sa gloire.
La sécheresse de l'atmosphère, la vivacité piquante de l'air, disposent d'ailleurs heureusement le gastronome à profiter des richesses que la nature étale autour de lui; c'est en janvier surtout que l'on ressent de ses appétits robustes qui donnent si beau jeu au cuisinier.
Alors, un maître de maison, jaloux de son honneur, ne peut se dispenser de recevoir et de bien traiter ses amis. C'est le seul mois de l'année, peut-être, où un repas s'accepte de confiance, et , si un mauvais dîner prié est en tout temps une mortelle injure, en janvier c'est un guet-apens.
Nombre d'honorables personnes sont fort embrassées dans le choix de leurs présents de bonne année. Les enfants et les jeunes femmes croquent seuls des dragées. Il faut une liaison bien étroite ou une grande familiarité pour autoriser les cadeaux de quelque valeur intrinsèque. Dans le doute où l'on flotte, nous recommandons une méthode qui a toujours réussi. Il est de ces cadeaux sans conséquences, mais non sans prix, qui ne se refusent pas, qui plaisent et qui inspirent l'estime : ce sont les comestibles. On n'oublie pas aisément l'ami, le solliciteur, le protégé qui a fait déguster un pâté aromatisé, une délicate poularde, un vin généreux, une liqueur onctueuse. La gratitude et la digestion se combinent, le nom du donateur se rattache à l'objet donné. L'estomac aussi a sa mémoire, et le système mnémotechnique dont nous proposons ici l'adoption est à la fois aimable et infaillible."
Caro